Pour atteindre la carboneutralité, il faut produire davantage d’énergie nucléaire : voici pourquoi

Les États-Unis, le Royaume-Uni, la Corée du Sud et la France sont parmi les pays qui ont adopté l’énergie nucléaire, et ils ont raison de le faire.

Avec plus de 80 % du produit intérieur brut (PIB) mondial couvert par un engagement en matière de carboneutralité ou d’autre nature, l’atteinte des objectifs de carboneutralité d’ici 2050 signifie que le monde a besoin d’accélérer ses investissements et d’en élargir la portée comme jamais auparavant. Les délais d’exécution sont longs pour les nouveaux projets d’infrastructures, et 2050 approche à une vitesse alarmante.

Dans son rapport canadien d’objectif zéro émissions nettes d’ingénierie, SNC-Lavalin indique que le Canada doit tripler sa production d’électricité à mesure qu’il électrifie ses voitures, ses procédés d’industrie lourde, le chauffage des maisons et des immeubles, ainsi que presque tout ce qui est actuellement alimenté par des combustibles fossiles. En résumé, le Canada doit accroître sa capacité de production au cours des 27 prochaines années par rapport aux 150 années précédentes.

Le Canada a le privilège d’avoir un secteur de l’énergie diversifié, qui englobe des technologies émettrices et non émettrices. Il ne s’agit pas de choisir une source d’énergie au détriment d’une autre. Elles peuvent toutes cohabiter dans le cadre d’une approche globale comprenant l’énergie renouvelable, le gaz naturel avec captage de carbone, l’hydroélectricité et, bien sûr, l’énergie nucléaire. En octobre, un important soutien a été accordé à cette approche, et particulièrement au rôle de l’énergie nucléaire, lorsque la Banque de l’infrastructure du Canada s’est engagée à investir 970 millions de dollars dans la mise au point du premier réacteur modulaire de petite taille (PRM) en Ontario.

L’énergie nucléaire a récemment connu une certaine renaissance. Il s’agit là d’une bonne chose pour un avenir carboneutre.

Propre, fiable, toujours active

Un bouquet énergétique zéro émissions nettes n’est pas très utile s’il ne peut pas : (A) produire suffisamment d’énergie (B) la produire au besoin et (C) la produire à un prix abordable pour les consommateurs.

Les deux premiers points sont cruciaux. Les énergies renouvelables comme l’énergie éolienne et solaire sont intermittentes. Cela signifie qu’elles ne produisent de l’énergie que dans certaines conditions. Il faut donc les équilibrer avec des sources d’énergie de base fiables qui sont résistantes aux intempéries. En réalité, l’énergie nucléaire est la seule source d’énergie de base sans émission dont l’approvisionnement est garanti, indépendamment des conditions météorologiques.

L’énergie nucléaire offre également aux pays une sécurité énergétique sans précédent. Pensons notamment aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale pendant la pandémie, aux embargos récents imposés sur le pétrole et le gaz de la Russie et au risque géopolitique mondial continu qui pourrait à tout moment bouleverser le commerce bilatéral. Il est clair qu’un gouvernement qui compte sur de grandes quantités d’énergie importée laisse entre les mains d’un autre pays la capacité de ses citoyens de climatiser leur maison, de recharger leur téléphone et d’effectuer pratiquement n’importe quelle autre fonction électrique.

L’énergie nucléaire dépend d’une chaîne d’approvisionnement d’importation beaucoup plus petite et n’expose pas autant les services publics à un risque de fluctuations des prix des matières premières contrairement aux combustibles fossiles. La Roumanie, avec ses projets de construction de deux nouveaux réacteurs CANDU, n’est qu’un exemple parmi d’autre de pays désireux de tirer parti de ces avantages dans le contexte de la crise énergétique actuelle en Europe.

Le Canada a le luxe de miser à la fois sur sa propre technologie nucléaire CANDU et sur une chaîne d’approvisionnement complète. C’est la combinaison parfaite pour maintenir et accroître la sécurité énergétique du pays, tout en agissant comme chef de file en matière d’exportation afin de fournir des sources d’énergie sécuritaires, fiables, économiques et décarbonées aux pays qui en ont besoin.

Solutions techniques pour répondre aux préoccupations

Auparavant, deux sources d’inquiétude associées à l’énergie nucléaire demeuraient : la sécurité et le gaspillage. Les préoccupations actuelles entourant ces deux éléments portent sur l’ancienne technologie qui n’a jamais été adéquatement modernisée selon les normes les plus récentes.

Les réacteurs modernes sont dotés de systèmes de sécurité complets conçus pour réduire les risques, même dans les scénarios les plus improbables. Par exemple, les réacteurs CANDU comportent deux systèmes indépendants et tout aussi performants qui permettent de mettre hors service les réacteurs en quelques secondes. Les deux systèmes fonctionnent sans électricité et ne nécessitent aucune intervention d’un opérateur.

La deuxième source de préoccupation, qui concerne le combustible nucléaire usé, est plus étroitement liée au croisement entre la carboneutralité et l’intendance environnementale. Bien sûr, nous savons comment gérer ces déchets nucléaires de façon sécuritaire, efficace et efficiente. La solution réside dans une planification à long terme et un financement dédié.

De nombreux pays, dont la Finlande, la France, le Japon, la Suède et la Suisse, construisent ou prévoient de construire des installations de stockage à long terme appelées « dépôts en formations géologiques profondes » pour stocker leurs déchets de combustibles nucléaires. Des plans semblables sont en cours au Canada. Nous envisageons deux sites potentiels en Ontario.

La réduction de la quantité de déchets de combustibles nucléaires à l’aide du recyclage deviendra également plus courante. Récemment, SNC-Lavalin a annoncé un partenariat avec Moltex Energy au Canada pour faire progresser la mise au point et le déploiement du premier PRM du pays fonctionnant avec  des déchets de combustibles nucléaires.

À mesure que l’énergie nucléaire jouera un rôle de plus en plus important dans en matière de carboneutralité, les citoyens, les décideurs et même les activistes commenceront à comprendre pourquoi l’énergie nucléaire, lorsqu’elle est correctement gérée, est un important partenaire de « l’équipe carboneutralité ». Nous devons produire davantage d’énergie nucléaire, et non la réduire.

Cet article est d'abord paru dans le Financial Post en novembre 2022.